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FURETS EN HISTOIRE

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LE FURET DES TEMPS MODERNES

Avec le temps des grandes découvertes, vient le temps de la mobilité des hommes, des plantes et des animaux par delà les océans. Par les grands navires, le furet a ainsi débarqué en Amérique, puis en Océanie. A la fin de la période, avec l'évolution des mentalités au XVIII° siècle, notre animal va faire les frais d'un chassé-croisé avec un "concurrent" domestique : le chat.


Le furet autour du Monde 

LE FURET COMME ANIMAL DE MARINE : Le moins que l'on puisse dire, c'est que l'on n'est pas bombardé d'informations francophones là-dessus, où l'on nous ressert à chaque fois l'Ordonnance Maritime de Colbert qui en 1681 faisait obligation d'avoir des chats à bord... Aucune entrée en rapport sur le catalogue de la Bibliothèque du Musée de la Marine (Paris), par exemple. Il faut traverser l'Atlantique pour trouver un premier témoignage curieux. La plupart des guides sur le furet de compagnie font référence au furet dans la marine de jadis comme dératiseur, mais sans référence bibliographique ; péniblement, on débouche sur ce seul élément référencé. Il concerne la marine coloniale du Massachusetts, dont le furet est la mascotte officielle ! 

On est là dans la marine de guerre. Il s'agit à l'origine d'une milice navale du XVIII° Siècle, les colonies d'Amérique du Nord françaises et anglaises suppléants à l'époque l'insuffisance de troupes régulières par des milices de colons. A la fin du siècle au moment de la Guerre d'Indépendance, la colonie du Massachusetts (nord-est de l'Amérique) crée le 29 Décembre 1775 la " Massachusetts Colonial Navy " pour défendre les côtes de cet État américain (voir sa carte à l'époque, le Maine et le Vermont n'étaient pas encore constitués) contre les raids de navires anglais. Dans les premiers mois de la guerre donc (la Marine française n'intervient que dans la deuxième phase de la guerre, mieux vaut tard que jamais o) ). C'est un fait que l'on retrouve dans onze autres des 13 colonies révoltées ; rôle qui n'a pas été passif, avec des courses loin dans l'Atlantique Nord. Elle a été ensuite amalgamée dans la Marine Coloniale nationale de G. Washington. 

Deux cents ans après cette brève existence, elle a été récrée en 1967 comme unité de parade pour le maintien de la tradition culturelle ! Et ce tout à fait officiellement, sous législation locale (loi de l'État du Massachusetts) par le gouverneur John A. Volpe. Les uniformes sont strictement identiques à ceux du XVIII° Siècle (vert et blanc), d'après conclusions de recherches historiques. Pour comprendre concrètement de quoi il s'agit c'est un peu à l'exemple en France des ensembles musicaux et porte-drapeaux et militaires qui maintiennent la fiction de régiments dissous. L'unité se compose d'officiers, de gardes et d'une fanfare. Transmettre l'histoire par la musique, tel est le but de l'actuelle Marine Coloniale du Massachusetts : rien que de très paisible donc, que cette unité armée de tambours et de flûtes ! o) Au delà des partitions, ses représentations peuvent inclure des descriptifs historiques sur l'époque de la Guerre d'Indépendance ; la M.C.N. se produit aussi à l'extérieur de son État. 

Le rôle officiel du furet ? Il a été établi le 14 Septembre 1986 et proclamé dans un discours, dans une cérémonie en grande pompe au Bristol Community College. Le furet a dès lors été déclaré mascotte officielle de la Marine Coloniale du Massachusetts, comme le rappelle le  texte de la cérémonie. Le discours a été rédigé et prononcé par le responsable de l'organisation de la Marine Coloniale du Massachusets de l'époque, le "Comodore" Franck C. Noble ; des extraits sont cités dans le vieux manuel de J.G. Fox (Biology and diseases of the ferret) de 1988, et dans l'article en ligne de Susan Brown (au site Ferret School) de 1996. Le voici avec traduction (traduction automatique Lycos, qu'il faudra reprendre) : 

DISCOURS DE CEREMONIE de la M.C. NAVY, extr. "furet"

 CEREMONIAL SPEECH of the M.C. NAVY, expt. "ferret"

[...] " Le marque aujourd'hui une étape importante dans l'histoire de la Marine Coloniale de Massachusetts. Il me donne le grand plaisir d'avoir tout le vous présent ici aujourd'hui, pour témoigner d'une seule cérémonie navale, qui  au meilleur de ma connaissance, n'a pas été exécutée probablement depuis les dix-sept centaines en retard sur il y a deux cents ans le ceci était une cérémonie traditionnelle qui les officiers et les hommes ont attendu avec intérêt avec le grand plaisir. Aucun ce n'était pas un changement solennel de commande, ni une commission impressionnante d'un nouveau bateau de la flotte cette occasion joyeuse était l'introduction du Mascotte du Bateau !

Le maintenant en jours des hommes en bois o ' guerre là était tout à fait souvent, une population non invitée des rongeurs à bord du bateau… Les chiens étaient des ratiers complètement non réussis et sans compter que leur écorcement a maintenu le capitaine et l'équipage éveillés. Les chats de étaient infiniment les chiens finis préférés, mais ils ne pouvaient pas chasser des souris dans les nombreux trous et passages étroits à bord du bateau, ainsi plus de souris échappées alors ont été attrapées.

Le mais... ici était un animal les rats et les souris pourraient ne jamais s'échapper de… n'importe où elles ont essayé de se cacher… n'importe comment petit un trou elles a fonctionné dans… elles ont été condamnés ! Cet animal était l'un des meilleurs amis de l'homme et totalement courageux ils étaient dans une grande demande à bord des bateaux de la marine coloniale, et chanceux étaient en effet les équipages qui ont eu un furet pour une mascotte et un ami.

Il avec le grand honneur qu'aujourd'hui la Marine Coloniale de Massachusetts offre par ceci la proclamation suivante : Laissez-moi su que tous les hommes ici et témoignent. Considérant que ce jour de notre seigneur le quatorzième jour de septembre, par année ninteen cent et eighty-six. Considérant que c'a été la connaissance commune pendant des siècles, cela vous des bandes la seule capacité de fureter dehors et de détruire toute la façon des souris, des rats, et des rongeurs et tandis que, par ces contrats, vous avez infiniment amélioré la qualité de la vie à bord du bateau. Et promouvez tandis que, par votre bonté, gentillesse et dévotion aux compagnons de bord vous service tellement dévoué. Il avec la plus grands gratitude et plaisir que la marine coloniale de Massachusetts, fait par ceci et immédiatement, et par la proclamation unanime des deux officiers et hommes proclament par ceci le furo de Mustela, le furet, en tant que son mascotte officielle " [...]

[...] " Today marks a milestone in the history of the Colonial Navy of Massachusetts. It gives me great pleasure to have all of you present here today, to bear witness to a unique naval ceremony, that to the very best of my knowledge, probably has not been performed since the late seventeen hundreds over two hundred years ago. This was a traditional ceremony that both officiers and men looked forward to with great delight. No this was not a solemn change of command, nor an impressive commissioning of a new ship of the fleet this joyous occasion was the Introduction of the Ship's Mascot's !

Now in the days of the wooden men o' war there was quite often, an uninvited population of rodents aboard ship. … Dogs were completely unsuccessful mousers and besides their barking kept both captain and crew awake. Cats were infinitely preferred over dogs, but they were unable to chase mice into the many narrow holes and passageways aboard the ship, so more mice escaped then were caught. 

But ….there was one animal the rats and mice could never escape from…no matter where they tried to hide…no matter how small a hole they ran into…they were doomed ! This animal was one of man’s best friends and totally fearless. They were in great demand aboard ships of the colonial navy, and fortunate indeed were the crews that had a ferret for a mascot and friend.

It with great honor that today the Colonial Navy of Massachusetts hereby tenders the following proclamation : Let me known that all men here and present bear witness. Whereas on this day of our lord the fourteenth day of September, in the year ninteen hundred and eighty-six. Whereas it has been common knowledge for centuries, that you posses the unique ability to ferret out and destroy all manner of mice, rats, and rodents. And whereas, by these deeds, you have infinitely improved the quality of life aboard ship. And further whereas, by your kindness, gentleness and devotion to the shipmates you so dutifully serve. it with the utmost gratitude and pleasure that the Colonial Navy of Massachusetts, does hereby and forthwith, and by the unanimous proclamation of both officiers and men hereby proclaim Mustela furo, the ferret, as its official mascot. " [...]

Le premier furet mascotte officielle était un putoisé qui s'appelait Pokey (nom très typé "furet") ; vous avez sa photo ci-bas avec le commodore F.C. Noble. L'uniforme XVIII° est tout à fait reconnaissable, avec son chapeau d'officier à cocarde noire ; la photographie a été prise sur fond de drapeau américain. On remarque que le furet regarde devant lui devant lui un petit drapeau ; vert avec un pin, c'est le drapeau de la Marine Coloniale du Massachusetts. Évidement, un problème saute aux yeux quand on voit cette image, c'est la question du chapeau pour furet qui scandalise tant les européens d'habitude ; mais ici il s'explique par le contexte cérémonial, et rien ne sert de refaire l'Histoire et s'il fallait le faire ou pas ce jour là... Pour en savoir plus sur cette unité, il y a l'adresse du site de la M.C.N., et peut-être qu'un article de presse locale... 

Ainsi on aurait le furet comme instrument politique ? Disons éducatif, plutôt. Évidement, -et c'est la fonction même d'une mascotte- tout celà est de l'ordre du symbolique. Symbole de quoi, tout est dit dans le discours : en hommage aux services bien concrets eux, rendus par les furet d'autrefois. C'est en hommage à ces anciennes générations de furets de travail d'il y a 200 ans qu'a été faite la Proclamation de 1986. Un point très intéressant dans ce texte -et qui a été repris partout- est la comparaison avec le chien et le chat dans la dératisation. On y compare les mérites et capacités de 

chacun d'eux et la comparaison tourne à l'avantage du furet à partir de deux arguments qui sont sa morphologie (lui seul peut pénétrer partout) et son caractère (il ne s'économise pas comme nos très prudents chats o). Attention cependant à ne pas en tirer des conclusions trop extensives : il faut comprendre "dératisation" au sens général (le mousing anglais concernant les rongeurs en général, souris et mulots étant aussi des fléaux pour les cargaisons de navires) et aussi que l'on est dans un cadre bien particulier du lieu clos qu'est un navire. Ce qu'il serait intéressant d'étudier enfin, ce sont les fondements et les sources du discours de 1986.

La mascotte Pokey en 1986 (d'après  Fox, 1988)

D'une façon plus générale, certains ont vu la preuve probable de l'utilisation du furet à bord des bateaux du temps de la marine à voile bien avant ce qui nous est rapporté du XVIII° Siècle, parmi des objets en bois façonnés en bois tels que de petites cages en bois aux dimensions et conception "spécifiquement furet". C'est par exemple la conclusion à laquelle est arrivé le britannique Dick Nutt, ancien président de la N.F.W.S., publiée dans le NFWS News Issues (N° 44 et  45, de Janvier et Avril 1998). Il pensait en particulier au XVI° Siècle dans le mobilier trouvé sur l'épave anglaise de la Mary Rose, un des plus gros bateaux de guerre d'Henri VIII, lancé en 1510 et coulé en 1545 ; découverte en 1970 elle reste dans les annales de l'archéologie sous-marine comme l'un des plus gros chantiers de ce type qui aient existés, en 1982, grace à des conditions naturelles de conservation exceptionnelles des matériaux organiques. Le musée des Dockyard (référence mondiale) de Porthmouth dans le sud de l'Angleterre lui est spécialement consacré. Affaire à suivre... 

 

LE FURET EN AMÉRIQUE : Le furet aurait traversé l'Atlantique pour être débarqué en Amérique du Nord par des colons anglais ; au XVII° ou au XVIII° Siècle, ce n'est pas encore clair. En préalable à l'obtention (difficile!) des informations, il y a une question spécifique qui devait être évacuée... Les américains ont déjà sur place un animal typique et à la mine très pittoresque, avec ses pattes préhensibles : le raton-laveur. Depuis que j'ai su que les États-Unis étaient le pays d'où avait démarré l'usage contemporain du furet comme animal de compagnie, ça m'a intrigué : pourquoi les américains n'ont-ils pas utilisé le raton-laveur de préférence au furet comme animal de compagnie ? Ca paraissait d'autant plus curieux lorsqu'on appartient à une génération qui a connu dans l'enfance un dessin animé célèbre, où la blonde héroïne avait un raton-laveur comme animal de compagnie °). Faute d'information locale sur l'usage domestique du raton-laveur, j'ai contacté la webmestre de Mustela Francia, au Canada. Elle m'a fait savoir que la législation pouvait classer le raton-laveur en animal sauvage, et non domestique. c'est le cas pour la moufette (ou skuns), le " superputois ", qui est commercialisée en plusieurs couleurs aux États-Unis mais prohibée en tant qu'animal sauvage en Ontario (Canada anglophone). Bon, la législation est une chose, mais les avantages domesticatoires ? La réponse est venue d'une émission en Avril sur la Cinquième : le raton-laveur est un animal sauvage ! Le reportage montrait un refuge pour raton-laveur capturés dans des zones urbaines aux États-Unis. Comme beaucoup d'animaux sauvages, il sont tenables jeunes, mais à l'âge adulte deviennent ingérables. On voyait une pièce où ils avaient été contenus avant la construction d'une nouvelle cage : un carnage ! Destruction de la tapisserie, d'éléments de parois, des plinthes, éléments de parquet arrachés, bref le comportement destructeur classique d'un animal sauvage... Voilà un point élucidé.

Bien ; comment le furet a-t-il débarqué en Amérique du Nord ? Vous le saurez peut-être dans une prochaine mise à jour... o)

 

VERS LES MERS LOINTAINES : 

Océanie, Afrique du Sud, Extrème-orient, l'Amérique du Sud 

 

LES RÉCITS DE VOYAGEURS  :

En lisant Buffon, on découvre qu'il cite pour appuyer son hypothèse nord-africaine sur l'origine du furet le Docteur Shaw : T. Shaw : Voyages et observations relatives à plusieurs parties de la Barbarie et du Levant, (1738) trad. en 1743. Incroyable ! il y en avait un exemplaire à la BM de Bordeaux !!! Ce que je pensais être a priori un livre anglais difficile à trouver est en réalité un livre qui a connu un bon succès au XVIII° Siècle, et fait l'objet aux Pays-bas cinq ans après la sortie de sa version originale d'une traduction en français visée par l'auteur lui-même ; c'est pourquoi je n'ai pas jugé nécessaire d'en fournir un extrait bilingue. Ce succès s'explique d'abord par la qualité de l'auteur. Il n'est pas dû à quelconque fantaisie ou à l'anglophilie du XVIII° Siècle et de Buffon en particulier, mais il s'agit d'un ouvrage d'une grande qualité dans sa catégorie, qui est en Géographie celle des récits de voyageurs. Un siècle après, il sera encore considéré comme utilisable par plusieurs auteurs !

Thomas Shaw n'était pas le premier farfelu venu : son niveau de formation, la durée de son expérience, la qualité de son rapport sont évidents. Originaire du , il a fait de brillantes études religieuses et universitaires -et pas n'importe où, à Oxford. Orienté vers la vie religieuse, il a servi 12 ans comme chapelain du comptoir commercial anglais d'Alger ! Déjà les voyageurs européens n'étaient pas très nombreux chez les barbaresques, et c'est peu dire qu'à ce poste il était idéalement placé pour observer le pays... Outre la vie et l'activité sur la capitale de la régence, il s'est rendu dans l'intérieur du pays ; il a pu aussi l'observer d'en haut, en contact avec le consul anglais d'Alger, comme d'en bas par son travail de proximité. La qualité et la précision de ses données, la méthodicité de son ouvrage sont dignes d'un géographe et expliquent aussi pourquoi il a généralement été considéré comme le meilleur témoignage sur l'Algérie et l'Afrique du Nord à l'époque de l'occupation turque. A vrai dire, l'image de l'Afrique du Nord n'était alors pas fameuse... On l'appelait à cette époque " le pays des Barbaresques ", et il était surtout connu pour sa piraterie ! o) Ce que l'on pourrait prendre pour un "topos", une image d'Épinal recouvrait en réalité une activité de première importance. Le fait est que l'état de développement économique et social de l'Afrique du Nord est on ne peut plus médiocre ; aux marges de l'Empire turc et mal contrôlées, les régences d'Alger et de Tunis voient surtout circuler des espèces monétaires européennes... et les boulets des canons des flottes européennes venant périodiquement (Louis XIV n'a été ni le premier ni le dernier o) bombarder ses ports pour réprimer la piraterie... Voilà un peu le décor dans Shaw rapporte ses observations, rapportant la présence du furet au début du XVIII° Siècle en Algérie : 

VOYAGES ET OBSERVATIONS relatives à plusieurs parties de Barbarie et du Levant,..t.1, P."Observations physiques et mêlées sur les royaumes d'Alger et de Tunis", ch.2, p.323

" Outre les animaux dont je viens de parler, la Barbarie en nourri aussi qui ne sont pas inconnus dans d'autres païs. De ce nombre sont : [...], le Thaleb ou le Renard, le Nimfe ou le Furet, le Fert el Heile ou la Belette ; de plus, la Taupe, le Lapin, le Lièvre et le Sanglier, de tous lesquels il y en a grand nombre. "

Le passage où il mentionne le furet est au début du livre, où Shaw a commencé par la description de géographie physique de ces contrées. Il s'était attardé sur des animaux spécifiques de la faune d'Afrique du Nord, comme le chacal, puis passe à une liste où se retrouve le furet. Certes, il ne fait que le citer dans une liste, mais il nous livre trois choses très précieuses. d'une part, il nous livre -peut être le premier- le nom arabe du furet, à savoir " nimse ", ce que les dictionnaires contemporains confirment. Deuxièmement, il ne décrit pas justement ces animaux de cette liste puisque connus dans nos contrées ! Ceci est très important car ça fait toute la différence avec des animaux indigènes avec lesquels Shaw aurait pu confondre le furet, s'il avait été sous l'emprise des fumées des narguilés... o) Et troisième point, la présence courante du lapin en Algérie ; et c'est justement un leitmotiv de ce site que de signaler que l'histoire du furet et souvent corrélée avec l'histoire du lapin.  Peu de choses donc, mais de grande valeur. 

Le mot furet ("nisme") en langue arabe (Dictionnaire Français-Arabe, D. Reid, 1983)

Bien, on a là le mot " furet " en Arabe ; et dans les langues Berbères ? Les langues berbères et kabyles sont respectivement au Maroc et en Algérie les langues des populations indigènes d'Afrique du Nord, d'avant la conquête arabe ; elles appartiennent non au groupe sémitique mais au groupe voisin, des langues chamitiques ; les langues des nomades du Sahara, l'Égyptien ancien et l'Éthiopien en font également partie. Il faudrait le savoir, par rapport à la racine du mot et voir s'il y a un emprunt au latin ou pas.  Et ce n'est pas qu'une question de langue ou de récolte des données sur le furet, c'est fondamental pour la question de l'origine du furet : que le nom d'animal soit un emprunt à une langue où à une autre et cela peut faire pencher la balance en faveur d'une origine espagnole ou d'une origine nord-africaine du furet. Je n'ai pas encore trouvé le mot exact dans les dictionnaires, la recherche est en cours... Pour l'Algérie, dans le Dictionnaire Kabyle-Français de Jean-Marie Dallet en 1985 on a pour " fureter " = sfedwec, pour " fureteur " =  imesfedwec ; les racines pour le mot " voleur " ont l'air sans rapport, mais je ne suis pas spécialiste. Pour le Maroc, dans le Dictionnaire Tamazight-Français de Miloud Taïfi en 1991 on a le mot fts-ifattisn pour "l'acte de fouiller, cherche, fouiner", et le mot fdl-afdouli pour " indiscret, curieux, touche-à-tout ". Bon, c'est mieux que rien, mais fff... Et en plus, ce qu'il nous faudrait au vues des découvertes de cabrera et des auteurs postérieurs, c'est surtout le nom dans le dialecte du groupe rifain, à savoir en Zénatiya. Et comme ça serait trop simple, il existe deux alphabets pour retranscrire la langue berbère : nos caractères latins (avec quelques caractères spéciaux) et les caractères tifinagh (indigènes, avec une police informatique spéciale) ! Paradoxalement sur cette question de zoonomie, voilà les zoologues à la rescousse des linguistes : la solution était dans le crucial Les Mammifères du Maroc de J.B. Panousse en 1957 (cf. page d'histoire naturelle). Il comprenait en annexe un lexique " Notes sur les glossaires des noms indigènes " d'E. Ennouchi et L. Galand : le nom berbère du furet est ennems ou nnems... Enfin !!! L'image de droite a été obtenue en retranscrivant sur le tableau récent de A. Kamal avec la traduction en caractères latins d'E. Ennouchi. Sur le furet en particulier, les auteurs ont eu recours à un correspondant local, Max Ricard, qui s'est renseigné dans la région de Taïneste et de Tahar Souk, dans les montagnes du Rif. Ce correspondant signale que les habitants appelait le furet nnems kraa ou nnems ouardi, selon s'il s'agit des mauvais furets qui tuent les lapins au fond des terriers ou qu'il s'agit des bons furets qui extirpent les lapins "en les mordant à la tête" (?!?, un peu "genette", le style o). Oui, mais l'étymologie ? Ca semble plus proche de la racine arabe que de la racine latine en tout cas... Mais les implications historiques ne sont pas du tout les mêmes selon si c'est un mot berbère emprunté à l'arabe, ou un mot arabe emprunté au berbère. J'ai contacté l'I.N.A.L.C.O. pour tirer ça au clair, affaire à suivre... 

Le mot furet en langue berbère (d'après E, Ennouchi. , 1957)

Un dernier point pour insister sur l'importance qu'il y a à connaître ces noms d'animaux : à propos du sens des mots et de l'Anthropologie. Je pensais en particulier à l'association du nom de l'animal et de sa caractéristique, comme le rhino-céros est "la corne au nez " o) ! Ici, pour le furet, c'est souvent le vol (comme dans la direction du mot latin furo) et la fouille qui sont mis en avant ; il faudrait donc mettre ça au clair pour l'Afrique du Nord. En tout cas, peu de risque de confusion dans le texte de Shaw : l'auteur a bien distingué la belette, la mangouste, genette et civette, du furet ; et ça, c'est fondamental.  

 

 


Vicissitudes de la chasse...

CHASSE NOBILIAIRE ET CHASSE POPULAIRE : situation juridique, sociale et économique, et place du furetage dans le phénomène chasse et braconnage sous l'Ancien Régime société basée sur les privilèges (y compris au tiers) plaisir et privilège noble

 

progrès de l'administration textes juridiques Ordonnance de Mars 1516, édit de Juin 1601, grande Ordonnance des Eaux et Forêts de 1669,

les sanctions et les moyens petite noblesse appauvrie : signe distinctif

pression démographique et réaction nobiliaire

une illustration du braconnage dans le fil de la chronique judiciaire : l'arrêt du Parlement de Paris 06-20 de 1781 (ref. F-23676 (223) de la B.N.F.) jusqu'où peut mener le furetage :  " condamnation de Louis-A. Gaudisset aux galères à perpétuité préalablement flétri des trois lettres GAL ; braconnier de profession surpris dans les bois de Boisonvel ; furetant avec furet, bourses et fusil brisé ; rebellé contre les gardes et ayant tiré contre l'un d'eux ". Condamné aux galères pour furetage (on ne précise pas ce qui est advenu au furet, d'ailleurs o) ?!? attention, la peinre ne vient pas directement du furetage, mais des complications qui ont suivi

hausse braconnage comme problème social cahiers de doléances et 1789

 

L'AGRONOMIE est un autre terrain documentaire souvent négligé, hors des champs habituels de la littérature et des ouvrages cynégétiques Olivier de Serres : Théâtre d'agriculture et mesnage des champs, en 1600. est une référence dans le domaine contexte bon roi Henri IV et du Surintendant Sully (vous vous rappelez " labourage et pâturage sont les deux mamelles de la France" ?). conseils pour tenir une garenne , intérêt de montrer l'ambiguïté du statut du lapin de qualité pour les privilégiés, sauvage mais entretenu en opposition au médiocre lapin de clapier ( à la viande "dure et fade") entretenu mais juridiquement bien une chasse, pas un élevage recommande aussi étendue que possible et entourée d'eau à l'abri des prédateurs planter du thym et des ormes et éviter les bois aquatiques pour la bonne chair Le plus marquant, c'est le mode de capture qu'il préconise au livre V, ch. XI, "La garenne" ; à ce niveau, c'est un auteur anti-furet :

" La prise des connis se faist comme la récolte des autres fruits de la terre. L'on esvitera les furets, qui font pour longtemps haïr aux connins les terriers ou tanières dans lesquels on l'aura une fois mis pour en prendre. "

 

Claude Gauchet : Le plaisir des champs, divisé en quatre saisons, en 1604. dans même domaine contexte avec un talent littéraire bucolique (on lisait Virgile plus souvent qu'aujourd'hui °) responsable ecclésiastique à Senlis écrit en 1593, complété en 1604 " augmenté d'un devis sur les devis d'entre le chasseur et le citadin, avec l'in instruction de la vénerie, volerie et pescherie " rééditée en 1869 avec biographie et autres textes les textes sont à la BN, dans les pièces " Gaucher " et " Gauchet " bon le passage sur le furet se situe dans " Les plaisirs de l'hyver " :

CHASSE DU CONIL AVECQUES LE FURET :

" On place les bourses devant les gueules, puis le furon étant fort bien encamelé, on le jette dans le terrier, sa sonnette au col ; les lapins s'élancent de tous côté et restent pour la plupart enlacés dans les bourses. [...] Or parmis la froidure, Que chacun de nous à cette chasse endure, Nous poursuivons toujours et sans nous soucier, De neige ni de froid nous vuydons le terrier. "

Attention, la langue du XVI° Siècle ! " encamelé " = bâillonné, " jetté " il exagère °) sonnette = grelot Vous avez remarqué ? La deuxième partie est en vers ! Cool.

 

LE LICITE ET L'INTERDIT : du mot de braconnage

 

Dans le cadre d'une collection sur la chasse (Les Grands Maîtres de la Chase et de la Vénerie), on trouve un ouvrage agréable et facile à lire : Le chasseur conteur, d'Eléazar Blaze, sorti en 1840. Cet ouvrage est plein de ces petites histoires rurales, advenues dans la chasse ou le braconnage. L'une d'elle concerne le furetage de braconniers, et provient d'un livre très difficile à trouver du XVIII° Siècle : Les ruses du braconnage mises à découvert, La Bruyère, 1771. La Bruyère n'a aucun rapport avec l'écrivain du siècle précédant ! C'est un illustre braconnier, qui s'est fait une célébrité (sincèrement repentie?) de dévoiler les astuces utilisées par ses anciens confères, après être devenu... garde ! A la page 157, il raconte une histoire vraie qui s'est passée dans la Brie (à l'Est de Paris), trente années avant la Révolution :

RUSE ET EXPLOIT DE BRACONNIERS :

" Deux fureteurs s'étant associés, s'en furent du côté de Bombon, près de Mormans en Brie où il y a une garenne très bien remplie de lapins ; elle est assez élevée pour qu'on puisse découvrir tous ceux qui seroient dans le cas d'y arriver de toutes parts, tant du côté du village que du château. On leur avoit dit qu'il y avoit beaucoup de lapins, mais que le garde étoit intrépide ; et que s'il les trouvoit, et qu'ils voulussent résister tant soit peu, il leur couperoit les jambes à coup de fusil.

Comme ils n'avoient point d'armes, ils résolurent de lui donner une leçon qu'il n'oublieroit sûrement pas, quoiqu'il passât pour un des plus rusés. Ils arrivèrent à la garenne à la petite pointe du jour. Elle étoit toute grise de lapins. Ils se mirent à fureter le premier terrier qu'ils trouvèrent, et ils regardoient de temps en temps s'ils n'appercevoient point le garde. Ils en avoient pris une vingtaine, lorsqu'ils le virent venir droit à eux. l'un d'eux se cacha dans les broussailles, et l'autre continua de fureter jusqu'à ce qu'il pût reprendre son furet ; mais la quantité de lapins l'empêchoit de revenir. Le garde vit ce fureteur qui sembloit ne penser qu'à tuer les lapins qui se boursoient;

Il se coula le plus doucement qu'il lui fut possible pour le joindre à la portée de son fusil. Cela ne lui étoit pas difficile, le braconnier ne faisant pas semblant de l'avoir vu. quand le garde fut à dix pas de lui, il lui dit : " Demeure là ou tu es mort ! " Le braconnier fit semblant de s'épouvanter, lui demanda pardon ; mais il n'avoit pas de grâce à espérer ; le garde lui commanda de mettre habits bas et de retourner ses poches. Quand il les eut retournées, il le fit habiller, lui commanda de prendre ses bourses, ses lapins, et lui dit de mettre le furet à portée et de la prendre. Le fureteur lui voulu exposer bien des raisons, mais il lui dit de ne point lui répéter deux fois.

Le furet parut à l'entrée du terrier avec un lapin à l'agonie ; le garde les pris tous deux, et le fit marcher devant lui en lui montrant le chemin du château. Celui qui s'étoit caché et qui avoit observé tout ce qui c'étoit passé, avoit pris le devant à travers la garenne et s'étoit éloigné du côté du village ; il avoit repris le chemin de la garenne, revenant sur ses pas ; lorsqu'il vit que le garde et son camarade étoient à portée de le voir, il contrefaisoit l'homme ivre et se laissoit tomber de temps en temps. Le garde, qui le voyoit revenir du village, ne s'imaginoit pas que ces deux hommes fussent associés.

Ce prétendu ivrogne laissoit tomber son chapeau, et, en voulant le ramasser, se laisoit tomber dessus. Lorsqu'il vit son camarade assez près, il fit son possible pour se pouvoir relever, en apparence, et se laissa retomber. Son camarade étant passé, il dit au garde en bégayant : " Donnez-moi la main, camarade! " . Le garde, remplit de charité, s'approche et lui tend une main bienfaisante. Cet ivrogne le saisi et le fait tomber. L'autre jette ses lapins, revient sur ses pas, et tous les deux l'empoignent et le forcent à rentre dans les bois, où, après lui avoir bien fait peur, il se contentèrent de démonter les deux batteries de son fusil, le laissèrent aller sans lui faire aucun mal, gagèrent les grands bois. "

On retrouve là des thèmes populaires croustillants et récurrents : la guéguerre entre gardes de chasse et braconniers, et en filigrane la lutte entre le fort et le faible, qui se tire d'affaire par la ruse. Les traits des personnages et la scène peuvent paraîtrent presque caricaturaux, pourtant l'histoire est bien réelle. La bonne foi amusée de l'auteur peut difficilement être mise en doute et de toutes façons ce type d'anecdote est trop abondant pour ne pas recouvrir une réalité sociale. C'est l'occasion de rappeler qu'en dehors des aspects légaux, la possession d'armes à feu n'est pas massifiée avant la Révolution... et avant la Révolution Industrielle, il y a un obstacle économique.

 

 

 


La vogue littéraire

 

Les citations littéraireS (au sens large) sur le furet, on en trouve bien sûr à l'époque Moderne, du XVI° au XVIII° Siècle ; elles renvoient en général à la chasse et sont citées ici dans l'ordre chronologique. C'est d'autant plus important que les normes de la langue française se fixent au XVII° Siècle... Mais ce qui est frappant, c'est l'abondance et la concentration de ces citations fufutesques pour le XVI° Siècle : est-ce un hasard ? Dans l'Art, c'est aussi avec le XV° qu'il poursuit, le siècle le plus dense pour l'iconographie du furet. Après, on a presque l'impression qu'il disparaît des thèmes littéraires ! Et est-ce toujours un hasard que presque symétriquement on a l'impression de voir émerger le chat comme grand thème artistique et littéraire ?

 

Robert Gaguin, Passe-temps d'oysiveté, VII, 242. Moyen-Age ou Renaissance ? Si-si la Renaissance ne commence pas pile en 1500, mais passe chez nous dans le dernier quart du XV° Siècle. Ceci dit,  caser ce texte à cette page ou à la précédente présente peu d'incidence pour le furet dont il est question dans le texte ! A la base, Gaguin était un moine Mathurin, il a étudié la théologie à Paris ; ouvert aux idées nouvelles, il a pu croiser au collège de Montaigu sur la Montagne Sainte-Geneviève rien de moins qu' Érasme et Lefèvre d'Étaples. Un des premiers initiateur en France de l'Humanisme italien, donc : entre autres, il traduisit César et publia deux ans avant sa mort en 1501 des Annales historiques (de l'origine des Francs à 1499) ; sur ce dernier point, il lui a juste été reproché d'avoir pris pour agent comptant les fables de ses prédécesseurs, mais bon... Avant, il avait eu le temps d'écrire ses " Passe-temps d'Oisiveté " en même temps que ses missions diplomatiques pour le royaume (danger du rapprochement entre Bourgogne et Autriche). Il parle de furetage et de fauconnerie dans la même phrase : 

 " Esprivier quaille persecute, Furon suit apres le connin. "  

Quand on n'a rien à faire on furète ? J'ignore si c'était la morale de l'auteur, mais il nous cite le furetage dans ses passe-temps... Si certains courent après le temps, l'épervier c'est après la caille et le furet après le lapin : c'est visiblement ce que nous dit Robert Gaguin. D'ailleurs les deux cas semblent bien distingués et il devait avoir une idée claire puisqu'il n'est pas question de capture mais de " suivre après ", de poursuite ; rien de plus. 

 

Pierre Gringore, Folles Entreprises, I, 93. Notre homme est un normand, mais qui ne faisait pas dans la demi-mesure o). Gringore (1470-1539) était un poète et dramaturge, mais surtout un pamphlétaire ! Membre de la confrérie des «Enfants-sans-souci», il a travaillé comme écrivain engagé au service de la politique italienne de Louis XII : il a par exemple composé en 1512 une célèbre sotie contre le pape Jules II. Plus particulièrement, il est l'auteur de poèmes moraux, de mystères, et de poèmes satiriques dont les Folles entreprises en 1505 qui connut un immense succès (une dizaine d'éditions). Notre extrait au furet en provient. Avec le règne de François Ier, fini la comédie politique, et Gringore partit pour Nancy (1518) auprès du duc de Lorraine, mécène amateur de théâtre. Son nom, déformé en Gringoire, fut popularisé par Victor Hugo dans Notre-Dame de Paris et par Théodore de Banville (Gringoire).

" Telz gens... Bien attrapent, et sont prestz de les prendre, Comme en terriers connins prins par furons. "

Manifestement, ce qu'il a voulu faire, c'est " prendre un image " pour expliquer ce qu'il raconte ; à l'appui de sa démonstration, il compare l'aptitude de gens près de leur but à celle des furets qui coincent des lapins dans un terrier. A la place de ces lapins, on dirait aujourd'hui " coincé comme un rat " !

 

Pontus de Tyard, Douze Fables des Fleuves ou fontaines, 11° fable, p. 220. Obscures sont parfois les voies de la postérité... Auteur aujourd'hui tombé dans l'oubli, il était au XVI° Siècle l'une des stars de la littérature française ! Il était carrément l'un des sept poètes de la Pléiade (rapport à la constellation des sept étoiles) avec Ronsard, Baif, du Bellay, Belleau, Dorat, Jodelle ; il a été aussi le dernier à mourir (et pendant une éclipse de soleil ! o)... De 1521 à 1605, Pontus a eu le temps de remplir une longue vie. Mâconnais, il a été évêque de Chalon, député aux Etats-Généraux, et pris dans les Guerres de Religion. En ces temps troublés, il était de ce que l'on appelle " le Tiers-Parti " derrière le roi, entre l'Union protestante et la Ligue catholique ; cette dernière lui a posé les pires ennuis personnels sur Chalon... Un homme sage d'une rigoureuse tolérance d’œcuméniste avant l'heure.  

En parallèle depuis 1543, Pontus de Tyard a trouvé le temps d'écrire ! Platonisme (pour le fond) et pétrarquisme (pour la forme) sont les deux mots qui reviennent pour qualifier son oeuvre ; oeuvre diverse : lyrique,  philosophique, religieuse, et naturaliste érudite dans les Douze Fables des Fleuves ou Fontaines en 1555. Cet ouvrage de poésie d'où vient notre extrait comptait 12 fables, mythologiques à donf' comme c'était à l'époque ; elles traduisent en visions mythologiques des rêveries indomptées, comme un bout philtre.

" Dolon vestu d'une peau de loup... et couvert la teste d'un morrion cresté d'un furon ou d'un semblable bestion seroit entre Ulysse et Diomède. "

La première fois qu'on lit ça, comprend rien... Qui est Dolon ? Qu'est-ce qu'un morrion ? Et qu'est ce qu'il fiche avec un furet sur la tête ? Ca nous vient de la tradition épique grecque, dans l'Iliade d'Homère (la Guerre de Troie et le cheval de Troie, vous situez ?) : dans le Chant 10 à la faveur de la nuit (sur une idée du vieux Nestor), le curieux Ulysse et son compagnon Diomède font une incursion dans le territoire troyen et éliminent l'espion Dolon ; après l'avoir interrogé quand même, avant que sa tête roule par terre...

Sur ce qu'il avait sur la tête ? Un " morrion " est une appellation utilisée XVI° siècle d'une forme rudimentaire de casque (terme moins générique à l'époque), au même titre que les " salades, bourguignottes, cappelines "... Si l'on suit la traduction de l'Illiade de M. Meunier en 1956, il est écrit que Dolon portait un " casque en peau de fouine " ; le fait est que les casque de cuir sont cités dans l'équipement léger de raids pour notre Age du Bronze grec. Mais le passage de Pontus de Tyard semble vraiment littéraire et vraiment mythique, car de tous les modèles de casques antiques (même d'époque homérique) rien n'atteste de casques au furet (même pour le pancache), surtout avec ce que l'on a dit avant de la diffusion du furet dans l'Antiquité... Je vous renvois sur le bon livre de M. Feugère Casques antiques sorti chez Errance en 1994 (dans la collection des Hespérides qui me fait dépenser plein de sous o). Et comme le souligne le conditionnel employé par l'auteur, le furet n'a vraisemblablement rien à faire dans cette galère !

 

Maurice de la Porte, Épithètes, 186. Alors ici, on est en 1571, avec juste une compilation. Une compil' de quoi ? De rimes. L'auteur a rédigé une sorte de liste, d'analogie entre des mots à partir de thèmes. Ses Epithètes ont été publiées en 1571... juste l'année de sa mort, il était temps ! o) Comme il le souligne dans son avertissement aux lecteurs, ce fils d'imprimeur avait eu une éducation d’homme de lettres. C’est un amoureux des belles lettres, et sur la prière du vicaire François Pierron, il compose ses Epithètes. Il s'est inspiré de l' Epitheta de J. de Ravisi Tixier (1524), pour constituer un relevé d’épithètes issus des œuvres de différents auteurs, Ronsard au premier chef ; le Dictionnaire latin, grec, italien, français, espagnol (1545) d’Ambroise Calepin -grand précurseur de la lexicographie- a également été utilisé pour écrire les Epithètes. Un bon succès que cet ouvrage de De la Porte, puisque pas moins de cinq éditions posthumes ont été imprimées entre 1571 et 1612 sur Lyon et Paris. Le titre complet vaut le détour : " Les Epithetes de M. de La Porte, avec briefves annotations sur les noms et dictions difficiles. Livre non seulement utile à ceux qui font profession de la Poësie, mais fort propre aussi pour illustrer toute autre composition Françoise " ; bon, au moins les gens savaient ce qu'ils achetaient !

Alors De la Porte donne donc des qualificatifs à des mots, et ho surprise, on lit que le furet est associé aux qualificatifs de " petit " et de " chasseur " : il n'est pas associé à " gigantesque " et " arboriculteur ", qui l'eu cru ? o) 

" Furet ou furon : chasseur, petit. "

 

André Thevet, Cosmographie, VIII, 8. Un fort personnage que ce monsieur, qui de son temps a déclenché pas mal de polémiques sur les animaux dont il parlait... Il était " cosmographe du Roi ", une charge vague et plus honorifique que rémunératrice. Il s'agissait de regarder plus à ses pieds que les étoiles : la Cosmographie, terme aujourd'hui abandonné, c'était simplement la Géographie dans un sens plus large ; géographie universelle, qui devait décrire l'univers entier par accumulation de singularités à peine classées. Son titre complet de l'ouvrage qui nous intéresse pour le furet est La Cosmographie universelle d'André Thevet, cosmographe du Roi, illustrée de diverses figures des choses plus remarquables vues par l'auteur et inconnues de nos anciens et modernes ; aboutissement de son travail, il l'a publié en 1575. Autodidacte, ancien cordelier, il avait réussit à bénéficier de l'appui de Catherine de Médicis. Comme d'autres chercheurs du temps, il a cherché à s'affranchir de la tutelle des doctes et des lettrés conservateurs en se basant sur le primat de l'expérience sur toutes les affirmations antérieures (qu'il ne se privait d'ailleurs pas "d'allumer" dans ses ouvrages). Le problème, c'est que d'expériences il en avait très peu... Sorti de courts passages au Proche-orient et au Brésil, l'expérience de Thevet était largement imaginaire, inventant dans chacun de ses ouvrages de nouveaux voyages au cours desquels il aurait vu toutes les singularités qu'il décrivait, et qu'il empruntait en fait, lorsqu'il ne les créait pas de toutes pièces, à des ouvrages préexistants !!! o) Devenu durablement sédentaire, il publié comme ça des ouvrages jusqu'à la Cosmographie universelle de 1575. On comprend mieux qu'il ait subit pas mal de sarcasmes (dont de son concurrent cosmographe François de Belleforest), avec les créatures étonnantes (licorne amphibie, licorne à deux cornes) dont il parlait. A l'époque, la liste de tous ceux qui ont vu des licornes est plus longue qu'on ne l'imagine, et Ambroise Paré lui fit confiance dans son Traité des monstres et prodiges ! Heureusement, le furet n'est pas mêlé à cette Tératologie archaïque...

" Vous ne sçauriez faire si peu de bruit que vous ne faciez tort à un qui pescheroit à la ligne, à moins que vous alliez crier et tempester pres un clapier tandis qu'on y veult mettre le furon dedans. "

Qu'est-ce-c'est que ce cirque ?!? Le point important de ce qu'il dit sur le furet, c'est le bruit. D'habitude on parle toujours du silence et de la discrétion du furetage par rapport à beaucoup de chasses, mais ce n'est pas le cas ici. Pas plus qu'il n'est question de comparaison furetage/pêche, mais ça nous a été simplement pris comme illustration d'un autre propos. Thévet prend exemple comme comble du tapage que l'on peut faire, de faire du boucan devant un clapier et en y introduisant un furet... Mais en tapage nocturne on pourrait encore faire mieux en produisant cette scène dans un poulailler ! o)

 

Philippe d'Alcripe, La Nouvelle Fabrique, 82. Ces lignes nous ont été écrites en 1579 ; le titre peut nous paraître étrange, mais la "Nouvelle  Fabrique" est sans rapport avec la Proto-industrialisation ! o) Le sens du mot "fabrique" sous l'Ancien Régime sert à désigner le "temporel" d'une paroisse (bien économiques ecclésiastiques) qui faisaient "tourner la baraque" avant la Révolution. Non, c'est un recueil d'anecdotes très brèves et extravagantes : du pur amusement, du livre récréatif et on va dire d'humour... On pourrait parler d'une série de traits d'esprit proche du nonsense anglais actuel ; notre grand comique d'auteur écrivait d'ailleurs sous un pseudonyme qui était l'anagramme de son vrai nom (en verlan si vous voulez) ! Dans son texte il est un peu gênant que d'Alvcripe nous ai mélangé le furet avec une liste de bêtes sauvages (et pas que des mustélidés !), mais bon dans de l'humour à la Monty Python on peut faire n'importe quoi, c'est ça qui est drôle...

" Blereaux, belettes, fouynes, ricques, tars, furons, escureux. "

 

Du Bartas, La Seconde Sepmaine, 4° j., La décadence p. 530. La parité n'existait pas à l'époque, et enfin on va parler de furette et non plus de furet ! Sans le savoir, vous avez peut-être déjà vu Du Bartas : son personnage figure dans le film de Chéreau La reine Margot. Gascon, Guillaume de Salluste, seigneur du Bartas a fait son droit à Toulouse où il fut reçu docteur en 1567. Rallié à la foi protestante, il servira Henri de Navarre, futur Henri IV, à plusieurs fonctions dont celle d'ambassadeur en Écosse en 1587 ; ceci explique certaines poésies politiques jusqu'à sa mort en 1590 (Accueil de la reine de Navarre, Hymne de la paix). Du Bartas est à cette époque, et depuis une dizaine d'années, un poète au sommet de sa gloire, dont la renommée éclipse celle de Ronsard tant en France qu'à l'étranger, où il est abondamment traduit, bref une célébrité aujourd'hui disparue. Il s’est particulièrement illustré de façon originale dans la poésie scientifique, encyclopédique et didascalique, tout en cultivant une veine religieuse. C'est par exemple le cas avec " première senmaine"  ou Création du monde (1578) et La Seconde Sepmaine (1584). Ouvrage didactique et descriptif directement inspiré de la Genèse de la Bible, La Première Sepmaine lui apporte la renommée. Construit sur le modèle des hexamérons, elle évoquait la création du monde et de l’homme en sept chants sur sept jours. La Seconde Sepmaine est restée inachevée ; via l’histoire biblique (fresque historique conduisant l’humanité d’Adam au Jugement dernier), Du Bartas y avait conduit une réflexion sur les événements contemporains, l’actualité et le devenir de la culture. Au XVII° Siècle, le Classicisme rejettera l'inspiration biblique et le style baroque ; jusqu'en 1630 environ en France et en Angleterre, Du Bartas était un des poètes les plus admirés, et influera sur Le Moyne, Goethe, Hugo, de La Tour du Pin. Bref, une poésie biblique à contre-courant du goût français mythologique classique. 

" Furette : Comme es plus froides nuicts de la glissante annéé, on tire des glapiers la furette acharnée. "

Brrrrrrrrr... La saison de chasse ??? Bingo ! C'est de cela qu'il s'agit : la bonne saison du furetage c'est au cœur de l'hiver, de la fin à la nouvelle année. C'est une saison où le lapin ne se reproduit pas, ce qui évite les problèmes de destruction des portées et de lapines acculées au fond des terriers. Effectivement, ce sont souvent les nuits les plus froides ; et un peu, qu'elle doit être acharnée la furette : en sortant enfin du clapier pour la saison de chasse ! 

 

La LANGUE, parlons-en : les dictionnaires apparaissent à l'époque Moderne, et avec l'imprimerie pour la diffusion et les progrès de l'alphabétisation (surtout au XVIII°), on peut imaginer l'impact que pouvait avoir un article de dictionnaire sur le furet... Le problème, c'est que même à une époque où l'érudition universelle était recherchée, savant de la langue ne rime pas forcement avec savant de la zoologie. Que se disait-il sur le furet sous l'Ancien Régime ? Hé bien des choses assez contradictoires, justement, avec quelques perles pour bêtisier !

 

Du Cange (Charles du Fresne), a été surnommé " le Varron français ", rien de moins ! Au XVII° Siècle, il passait pour un des hommes les plus érudits de son temps (mort en 1688). A l'époque où le savoir pouvait encore être encyclopédique, il était à la fois historien, géographe, philosophe, numismate, épigraphiste, archéologue, etc. Un bulletin scientifique de recherche sur le latin porte son nom d'ailleurs ; l a été rédacteur de dictionnaires et glossaires, comme le Glossaire de la moyenne et basse latinité. A l'article " Furo ", on a : "  " renvois et références commencer par le commencement, pas dico de français mais dico de latin tardif dico de langue avec traduction en français de l'époque 

GLOSSAIRE DE LA MOYENNE ET BASSE LATINITÉ :

" Furo " : 

" Furron, une beste qui prent conilz es terriers "

 

Le Dictionnaire François de Pierre Richelet a été publié à Genève en 1680, et fait l'objet d'un reprint en 1994 toujours à Genève. Il est dédié au Prince Ferdinand, évêque de Munster.

Dictionnaire françois, 1680 (article "Furet")

Ca fait plaisir quand un lettré montre qu'il domine son sujet !

 

Le Dictionnaire de Langue d'Antoine de Furetières date de 1690 et a fait l'objet d'un reprint en 1978 par les éditions le Robert.

Dictionnaire de Furetière, 1690 (article "Furet")

Antithèse de l'article précédant. On voit le grammairien qui n'y connaît rien en furet ! Une perle que je me garderait bien de reproduire aujourd'hui dans un guide grand public...

 

Pas besoin de présenter le Dictionnaire de l'Académie Française. Ce nouveau dictionnaire (celui de 1718 °) a fait l'objet d'un reprint par Slatkine rep. en 19.

Nouveau Dictionnaire de l'Académie Française, 1718 (article "Furet")

référence indiscutable pour la langue, voir les différents sens du mot "furet" dimension cynégétique et curieux

 

DU SYMBOLISME ANIMAL : Il fallait bien en parler quelque part, dans le chapitre folklore ou ici. Comme la représentation mentale de l'animal domestique dépend étroitement de son utilité en vers l'homme, celle du furet est très liée à son utilisation cynégétique. J-P. Clébert, dans son Dictionnaire du symbolisme animal, disait en 1971 la chose suivante à l'article " furet " ; " par l'analogie avec " le furet qui sert à faire sortir le lapin de son terrier, " il a été associé à :

1) Un remède énergique d'évacuation. Attention, on parle d'émétique (vomitif) et pas de laxatif, comme l'on compris certains ! On en trouve même un témoignage littéraire au XVI° Siècle Chez Ambroise Paré (XVI, 1), le célèbre chirurgien d'Henri II : " l'alexipharmaque du virus vérollique, qui est le vif-argent, que l'on peut comparer au furet faisant sortir le connin hors de son terrier ".

2) Un symbole érotique phallique. Là, je ne vous ferait pas un dessin °)... ça ne passera pas chez les anglo-saxons. C'est une analogie entre l'animal effilé pénétrant dans la galerie du lapin, et l'organe mâle dans l'organe femelle. Je vous ai trouvé une citation là-dessus qui vient d'un anonyme conservé à la BNF/Richelieu (Du prêtre et la dame, 19152, f° 65d) ; j'ai coupé avant et après, c'est très léger... : " Par le pertuis li entre el ventre ; la a mis son fuiron privé ".

Bref, rien de très noble dans ces associations d'idées, inconscients collectifs, et représentations mentales ! Aux autres sens du mots furet, ne désignant pas l'animal, on trouve aussi des indications symboliques. En effet, ces différents sens sont tous des dérivés du sens animal, par différentes analogies qui sont devenues d'usage collectif ; on ne recense pas moins de huit sens au mot " furet " !

1) L'animal. On connaît...
2) Homme de renseignements.   (Du type espion, indicateur de police) ; ce sens figuré vient de l'habitude exploratoire du furet, fouillant partout. On dirait aujourd'hui une " fouine ".
3) Homme habile à découvrir. Sens figuré voisin au précédant, venant du flair de l'animal. On dirait aujourd'hui une " tête chercheuse ".
4) Membre viril Comme signalé plus haut, comme équivalent phallique. Bien que de fréquence littéraire rare, c'est un sens figuré dû à la fois à l'activité et à la physionomie du furet.
5) Voleur. Là on n'est plus du tout dans le sens figuré. En Vieux-français, le verbe " furer " était synonyme de " voler ", en conformité avec le sens latin. Encore un sens figuré ; provient de l'instinct du furet à capturer des objet et les emmener dans une cachette.
6) Remède. On l'a vu plus haut. C' était bien un terme d'usage, pas une invention de Paré !
7) Jeu Vous aurez de l'info là-dessus dans le chapitre sur le folklore. L'analogie vient du côté " anguille " du furet, difficile à saisir quand il n'est pas coopératif : il y a un objet caché et difficile à saisir au cœur du jeu.
8) Filet. Non pas le filet de la chasse (dit souvent " bourses " depuis le Moyen-age), mais un filet de pêche prohibé. Ce sens est peut-être venu par dérision, du fait des anciens interdits légaux sur la chasse au furet.

Seul le premier sens a survécu dans la langue française contemporaine.  Sur les sept sens non-animaliers, on en voit trois ayant trait au comportement instinctif de l'animal, trois (seulement ?) liés aux pratiques cynégétiques, et deux à sa morphologie. Huit sens, c'est d'ailleurs déjà beaucoup pour un mot à la fréquence littéraire rare (93 cas statistiquement recensés par le Centre d'Étude de la Langue Française du CNRS en Français moderne). Mais bon, on peut combiner les représentations populaires, ceci ne donnant qu'une première idée. Un auteur espagnol a aussi été l'auteur d'un excellent petit article "furet" dans son gros ouvrage Símbolos animales, c'est X.R. Mariner en 1996. Par contre, rien dans le Bestiaire de la culture populaire juive et musulmane du Maroc de A. Goldenberg de 2000... 

 

 

 


...et de la concurence entre chat et furet

LE FURET : UN ANCIEN ANIMAL DE COMPAGNIE :

pour le moment rien dans les biographies françaises sur Élisabeth I (pas plus que pour Victoria au XIX° Siècle), pas plus que dans le film récent Elizabeth non plus 

Élisabeth I, 1xxx,

Et ça, c'est quoi ! Un chapeau, peut-être ? Oui, c'est évident, un chapeau, ça se tient comme ça o). Même avec une loupe vous verrez que ce n'est pas non plus une fouine miniature : pas un poil de plastron blanc ... source de découverte du site étudiant de la Norfolk Academy de

ET LE CHAT JUSQUE LA ?

L'ÉVOLUTION DES MOEURS :

 

 


Les traités zoologiques

TRAITES HUMANISTES : côté Pierre Belon et Ulisse Aldrovandi, pas grand chose à gratter

Agricola (Georg Bauer), De Animantibus subterranis liber, 1549 à Bâle. réed. : " Georgius Agricola", Geor Spackler ed., Berlin 1955.

Conrad Gessner, Historiae Animalium, lib. I : de quadripedibus viviparis, 1551 à Zurich. réed. : L. Braun, "Conrad Gessner", Slatkine rep., Genève 1990. p. 763

gravure sur bois allemande. le furet, Conrad Gesner, Historiae Animalium , 1551, British Museum

Le Furet, gravure sur bois allemande, 1551

 

LES LUMIÈRES ET LA NAISSANCE DE LA ZOOLOGIE :

Linné, Systema Naturalis, 1735 . fondation des sciences naturelles actuelles taxonomie t.1 règne animal/mamalia/ferae/mustela latin les " s " intercalés critiques du temps succès 12 éditions en 1767 ! édition de Lipsiae en 1788 (imp. G. Beer), p. 97 : furo (15.8)

FURO :

M. pedibus fiffis, oculis rubindis.

_ Muftela corpore pallide flavo. Exl. mamm. p. 465 Schreb. Sauength. III p. 488 CXXXIII. _ Muftela viverra mas, pilio fubflavis, longiribus castaneo terminatis veftita, et Muftela viverra femina, pilis ex albido subflavis veftita. Briff. quad. p. 177. _ Muftela fylvestris, viverra dicta. Raj. quadr. p 195. _ Furo. Gefn. quadr., 762. _ Furet et furet putois. Buffon hift. nat. VII p. 209. _ Ferret. Penn. quadr. p 214 n.153.

" Habitat in Africa, domeftica et venatui adaptata in temperatorie Europa ; bis coit per annum, par fax hedomadas gravida, 5-8 rarius 9 pullos parit. Putorius minor, a quo etiam capita angufiore, roftro acutiore, trunco magis elongato et gracili, colore differt. "

en clair références antérieures " Mustela flavescente nigricans, ore albo, collari flavescente putorius... Mustela sylvestris uiuerra dicta an distincta ? " en 1735

Buffon, Histoires naturelles, 1749 illustrateurs De Sève, Buvée

 

texte intégral, et cite lui-même un courrier dans son article retapé en mode texte (sinon vous imaginez la taille de l'image ?), êtes obligés de me faire confiance...

" LE FURET :

Quelques auteurs ont douté si le furet et le putois étaient des animaux d'espèces différentes. Ce doute est peut-être fondé sur ce qu'il y a des furets qui ressemblent aux putois par la couleur du poil : cependant le putois, naturel aux pays tempérés, est un animal sauvage comme la fouine, et le furet, originaire des climats chauds, ne peut subsister en France que comme animal domestique. On ne se sert point du putois, mais du furet, pour la chasse au lapin, parce qu'il s'apprivoise plus aisément, car d'ailleurs il a, comme le putois, l'odeur très forte et très désagréable ; mais ce qui prouve encore mieux que se sont des animaux différents, c'est qu'ils ne se mêlent point ensemble, et qu'ils diffèrent par un grand nombre de caractères essentiels. le furet a le corps plus allongé et plus mince, la tête plus étroite, le museau plus pointu que le putois ; il n'a pas le même instinct pour trouver sa subsistance ; il faut en avoir soin, le nourrir à la maison, du moins dans ces climats ; il ne va pas s'établir à la campagne ni dans les bois ; et ceux que l'on perd dans les trous de lapins, et qui ne reviennent pas, ne se sont jamais multipliés dans les champs ni dans les bois ; ils périssent apparemment pendant l'hiver : le furet varie aussi par la couleur du poil comme les autres animaux domestiques, et il est aussi commun dans les pays chauds que le putois y est rare.

La femelle est dans cette espèce sensiblement plus petite que le mâle : lorsqu'elle est en chaleur, elle le recherche ardemment et l'on assure qu'elle meurt, si elle ne trouve pas à se satisfaire ; aussi a-t-on soin de ne pas les séparer. On les élève dans des tonneaux ou dans des caisses où on leur fait un lit d'étoupes ; ils dorment presque continuellement : ce sommeil si fréquent ne leur tient lieu de rien ; car dès qu'ils s'éveillent, ils cherchent à manger ; on les nourrit de son, de pain, de lait, etc. ; ils produisent deux fois par an ; les femelles portent six semaines : quelques-unes dévorent leurs petits presque aussitôt qu'elles ont mis bas, et alors elles deviennent de nouveau en chaleur et font trois portées, lesquelles sont ordinairement de cinq ou six, et quelques fois sept, huit, et même neuf.

Cet animal est naturellement ennemi mortel des lapins ; lorsqu'on présente un lapin, même mort, à un jeune furet qui n'en a jamais vu, il se jette dessus et le mord avec fureur ; s'il est vivant, il le prend par le cou, par le nez, et lui suce le sang ; lorsqu'on le lâche dans les trous de lapins on le musèle, afin qu'il ne les tue pas dans le fond du terrier, et qu'il les oblige seulement à sortir et à se jeter dans le filet dont on couvre l'entrée. Si on laisse aller le furet sans muselière, on court le risque de le perdre, parce qu'après avoir sucé le sang du lapin il s'endort, et la fumée que l'on fait dans le terrier n'est pas toujours un moyen sûr de le ramener parce que souvent il y a plusieurs issues, et qu'un terrier communique à d'autres, dans lesquels le furet s'engage à mesure que la fumée gagne. Les enfants se servent aussi du furet pour dénicher des oiseaux ; il entre aisément dans les trous des arbres et des murailles, et il les apporte au dehors.

Selon le témoignage de Strabon, le furet a été apporté d'Afrique en Espagne ; et cela ne me paraît pas sans fondement, parce que l'Espagne est le climat naturel des lapins, et le pays où ils étaient autrefois le plus abondants : on peut donc présumer que pour en diminuer le nombre, devenu peut-être très incommode, on fit venir des furets avec lesquels on fait une chasse utile, au lieu qu'en multipliant les putois on ne pourrait que détruire les lapins, mais sans aucun profit, et les détruire peut-être beaucoup au delà de ce que l'on voudrait.

Le furet, quoique facile à apprivoiser et même assez docile, ne laisse pas d'être fort colère ; il a une mauvaise odeur en tout temps, qui devient bien plus forte, lorsqu'il s'échauffe ou qu'on l'irrite ; il a les yeux vifs, le regard enflammé, tous les mouvements très souples, et il est en même temps si vigoureux, qu'il vient aisément à bout d'un lapin qui est au moins quatre fois plus gros que lui.

Malgré l'autorité des interprètes et des commentateurs, nous doutons que le furet soit l'ictis des grecs. "L'ictis, dit Aristote, est une espèce de belette sauvage, plus petite qu'un petit chien de Malte, [...] ." Hist. animal. lib. IX cap. VI (NDR : c'est le passage déjà cité à la fin du chapitre sur la Grèce Antique du site). Il paraît :

1° qu'il y a une espèce de contradiction ou de malentendu à dire que l'ictis est une espèce de belette sauvage qui s'apprivoise beaucoup, puisque la belette ordinaire, qui est ici la moins sauvage des deux, ne s'apprivoise point.

2° Le furet, quoique plus gros que la belette, n'est pas trop comparable au petit épagneul ou au chien bichon, dont il n'approche pas pour la grosseur.

3° Il ne me paraît pas que le furet ait l'astuce de moeurs de la belette, ni même aucune ruse : enfin, il ne fait aucun tort aux ruches, et n'est nullement avide de miel. J'ai prié M. Le Roy, inspecteur des chasses du roi, de vérifier ce dernier fait, et voici sa réponse : " M. de Buffon peu être rassuré de ce que les furets n'ont pas, à la vérité un goût décidé pour le miel, mais qu'avec un peu de diète on leur en fait manger ; nous les avons nourri pendant quatre jours avec du pain trempé dans de l'eau miellée ; ils en ont mangé, et même en assez grande quantité, les deux derniers jours ; il est vrai que les plus faibles de ceux-là commençaient à maigrir d'une manière sensible. Ce n'est pas la première fois que M. Le Roy, qui joint à beaucoup d'esprit un grand amour pour les sciences, nous a donné des faits plus ou moins importants, et dont nous avons fait usage. J'ai essayé moi-même, n'ayant pas de furet sous la main, de faire la même épreuve sur une hermine, en ne lui donnant que du miel pur à manger, et en même temps du lait à boire, elle en est morte au bout de quelques jours ; ainsi ni l'hermine ni le furet ne sont avides de miel comme l'ictis des Anciens, et c'est ce qui me fait croire que ce mot ictis n'est peut-être qu'un mot générique, ou que, s'il désigne une espèce particulière, c'est plutôt la fouine ou le putois, qui tous deux, en effet, ont l'astuce de la belette, entrent dans les ruches, et sont aides de miel. "

Buffon

 

 

 

 


Olivier Cornu © 2001-2003

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